ORIGNAL
Comment composer avec le vent?
Je me rappelle les premières années où j’ai commencé à chasser, plusieurs histoires circulaient sur la performance des sens de l’orignal, tels que l’ouïe et l’odorat. Il était fréquent d’entendre des histoires comme quoi ce grand cervidé pouvait nous sentir et nous entendre à des kilomètres. Évidemment, c’est difficile de se faire une tête lorsque nous commençons à chasser ou que nous avons peu d’expérience. Il est alors logique que nous nous tournions vers des passionnés qui ont plusieurs années d’expériences à leur actif afin de peaufiner nos aptitudes de prédateur.
Je suis d’une nature curieuse qui aime approfondir la compréhension d’un comportement et inutile de vous dire que je me questionnais énormément sur comment gérer mes odeurs. La confusion était bien présente, d’un côté la direction du vent n’était jamais importante, d’un autre côté la direction du vent était primordiale. Un chasseur me mentionnait récolter année après année, cigarette à la bouche et l’autre me mentionnait que l’orignal l’avait senti sur une très longue distance. Au fil du temps à passer des centaines d’heures auprès des orignaux, j’en suis venu à formuler quelques questions: Quelle est la réelle importance du vent? Est-ce possible que l’importance du vent ne soit ni noire ni blanche? Évidemment, j’ai été en mesure de répondre à ces questions avec l’aide de mes nombreuses approches avec l’orignal. J’ai séparé en deux catégories le sujet, c’est-à-dire, quand un orignal sera plus porté à mettre en action volontaire son odorat versus quand il sera moins porté à mettre à profit son sens le plus développé.
Être une proie
Pour bien comprendre comment un orignal se comporte et réagit face à son environnement, il est important d’établir l’ordre des sens, c’est-à-dire, du plus développé au moins développé.
- Odorat
- Ouïe
- Vue
Un orignal est évidemment une proie et ce qui domine, c’est son instinct de survie. En bref, ce qui indique à l’orignal un danger, c’est sa perception. Il sent et il réagit à des signaux. Pour être plus claire, les signaux pour un orignal sont des stimuli qui proviennent de l’extérieur (un bruit, une odeur, un mouvement inhabituel etc.) qu’il doit bien analyser s’il veut survivre. Pour ce qui est de sa vue, l’orignal détecte très bien les mouvements mais il semble avoir de la difficulté à bien analyser ce qu’il voit. Selon le contexte et de manière générale, c’est tantôt l’ouïe, tantôt l’odorat ou parfois même les deux simultanément qui lui permettront de vivre plus vieux alors que sa vue agit plutôt passivement malgré son acuité. Plus l’orignal gagne en maturité, plus qu’il gagne en expérience. Pour simplifier et vous donner un exemple concret, nous entendons souvent dire qu’un mâle mature est plus rusé; c’est une parfaite démonstration que par leur expérience et leur vécu, leur perception ainsi que leur analyse des différents signaux deviennent largement plus développées que pour un jeune orignal.
L’odorat et l’audition sont dans l’ordre les sens les plus développés des orignaux. Ce mâle qui porte toute son attention vers le photographe est en mode alerte et tente d’identifier l’intrus.
Partant du principe qu’un orignal est une proie, il y a des habitats où l’orignal se sentira toujours plus en sécurité que d’autre. Naturellement, un orignal va toujours préférer les couverts forestiers. Un exemple que vous avez déjà probablement remarqué lors de vos visites en forêt, la majorité des sentiers d’orignaux vont longer les bordures de savane, des lacs ou bien même des coupes forestières. Un orignal à découvert n’est vraiment pas le même animal qu’en plein couvert forestier.
L’orignal et le vent
Passons maintenant au concret! Afin de bien imager mes explications, j’adore faire référence à cet exemple. J’ai un chien qui se nomme Bucky. Je prends souvent des surprises et je les cache. Évidemment, si j’avise mon chien de chercher, c’est automatique, il s’humidifie le nez en cherchant la surprise puis la trouve, en fait, il active volontairement son odorat (son sens le plus développé) afin de la localiser. En fait, pour l’orignal c’est le même principe car au moment où il perçoit un signal alarmant dans son environnement, ça provoque chez lui une réaction immédiate en défensive. En plus d’orienter ses oreilles en direction du présumé danger, il mettra son odorat en action volontaire pour aller chercher le vent.
Je vous présente ici quelques exemples où cela pourra se produire. La première situation se produit souvent lorsqu’un chasseur est immobile dans une cache et qu’il attend. Celui-ci va souvent rester dans un endroit dégagé pour attirer un orignal à lui. La deuxième situation est un chasseur en déplacement, le mâle lui répond, il cesse complètement les déplacements et tente de l’attirer dans un endroit précis en formant une embuscade. L’orignal va souvent avancer jusqu’à une centaine de pieds, puis juste avant de sortir dans le dégagé, le mâle cessera d’avancer. Le troisième exemple, un chasseur est dans un bûcher, un orignal répond et celui-ci demeure dans la coupe forestière pour avoir un bon visuel. Ces trois exemples sont des situations propices à rendre un orignal méfiant et il est fort probable qu’il tentera de vous identifier.
Ajoutez le texte de votre infobulle ici
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Souvent les chasseurs vont décider de s’installer en bordure de lacs (A) ou de coupes forestières récentes (B), pour bénéficier d’une meilleure visibilité. Toutefois, bien que les orignaux puissent parfois longer naturellement la bordure des lacs et des buchers, il est habituellement assez difficile de les faire sortir à découvert lorsqu’on tente de les déjouer à l’appel. Dans la plupart des cas l’animal va arrêter à une centaine de pieds avant de sortir dans l’ouverture et commencera à se servir de ses sens pour analyser la situation.
Dans un autre contexte, je reprends mon chien Bucky. Je cache la surprise, je ne l’avertis pas qu’il y en a une. Bucky n’aura aucune raison valable de rechercher la friandise en utilisant son odorat ni d’ailleurs aucun des autres sens. En fait pour l’orignal, c’est assez similaire. S’il ne perçoit aucun signal inquiétant dans son environnement alors, il ne fera rien d’extraordinaire en termes de défensive et c’est précisément sur ce trait de caractère que le chasseur devrait compter pour tenter d’approcher l’animal jusqu’au contact visuel.
Encore une fois, je vais vous partager quelques exemples où votre gibier n’aura pas tendance à mettre en action volontaire son odorat pour vous identifier. La première situation, vous avez une réponse, vous continuez votre démarche en demeurant un orignal (vous ne semez pas de doute) tout en vous dirigeant progressivement jusqu’au premier contact visuel. Le deuxième exemple, vous êtes en attente sur le bord d’un étang puis un orignal vous répond à environ 500 m sur le plateau de montagne, vous partez progressivement en déplacement vers votre interlocuteur tout en vous comportant comme un orignal jusqu’au contact visuel. Le troisième exemple, vous êtes en forêt mature (dans leur maison) et vous vous comportez comme un orignal sans cacher votre silhouette. En fait, ce sont toutes des situations où l’orignal n’aura pas tendance à douter de votre identité. De plus, c’est conforme au comportement d’un orignal, ce qui diminue énormément les probabilités qu’un animal tente de vous identifier par son nez ou ses autres sens.
Lorsqu’un buck est bien accroché par vos appels et qu’il se dirige vers vous, il est peu probable qu’il tente de vous sentir. Ceci est vrai aussi longtemps qu’ils croient que vous êtes bien une femelle en mal d’amour. Par contre s’il commence à douter pour une raison x ce sera une autre histoire… Il ne faut donc jamais arrêter d’agir comme un orignal autant avec les appels qu’avec vos mouvements. Ce n’est évidemment pas le temps de devenir muet et de s’embusquer…
Pour un chasseur…
Pour un chasseur, il y a une règle de base à respecter peu-importe votre mode de chasse. Il est impératif d’avoir un contrôle des odeurs adéquat par l’utilisation des destructeurs d’odeurs, de l’urine de mâle mature, des produits à senteur d’épinette, sapin ou terre. Il est peu probable d’avoir du succès sur une base récurrente sans respecter cette règle.
Le contrôle des odeurs par le chasseur demeure une des clés du succès à la chasse à l’orignal.
Maintenant, qu’est-ce que P-A en fait du vent en situation de chasse? J’ai une réponse qui est à mon avis équilibrée sur ce sujet pour les chasseurs. Je regarde évidemment les vents annoncés durant la journée et je tente d’organiser un trajet de façon que le vent dominant soit en ma faveur durant la journée.
Pour débuter sa chasse l’auteur tente toujours de prévoir son trajet en fonction de la direction des vents. À ce chapitre, les petits contenants de poudre volatile inodore sont bien pratiques.
Toutefois, la théorie diffère souvent de la réalité, pour tout vous dire, je n’ai jamais vu en situation réelle un vent pousser toujours dans la même direction. Considérant cette variable, je ne me soucie pas du vent lorsque je chasse, je privilégie plutôt une mise à jour au 30 minutes environ de mes cache-odeurs ou lors de mon approche d’un lieu névralgique de mon secteur. Dès que j’obtiens une réponse, je m’asperge d’urine. J’affirme fréquemment aux chasseurs que tout se joue dans les premières minutes de la première réponse, le temps de réaction est très déterminant dans le succès d’une approche. Dans mon cas, je progresse vers mon interlocuteur jusqu’au contact visuel.
Lorsqu’on se dirige vers des orignaux en imitant leurs comportements il est parfois possible de les approcher à très courte distance comme on peut le voir sur la photo. L’auteur, accompagné de 3 autres chasseurs et accompagnateurs, étaient rendus à moins de 3 m lorsque ce veau et cette femelle ont commencé à se poser des questions…
Cependant, en mode de chasse plus statique ou plus immobile dans un endroit dégagé ou bien en formant des embuscades en se cachant, il est à mon avis presqu’obligatoire d’avoir le vent en votre faveur pour augmenter vos probabilités de succès. Je compare en fait souvent cette situation au système de justice, vous êtes innocent jusqu’à preuve du contraire. En appliquant cette notion pour un orignal, vous en êtes un jusqu’à preuve du contraire. Vous n’avez pas à lui prouver que vous êtes un mâle ou une femelle lorsqu’il vous répond, vous vous devez toutefois de ne pas leur prouver le contraire (humain).
Évidemment, il est possible dans toutes les situations que j’ai présentées qu’un orignal se comporte différemment selon son niveau de maturité, de son vécu, de la densité d’orignaux ainsi que par la pression de chasse. Autrement, il est erroné de croire que l’orignal se préoccupe toujours des déplacements d’air comme il est faux de croire qu’il ne s’en préoccupe jamais. Et même le buck le plus expérimenté ne se préoccupe pas toujours des odeurs environnantes, sinon, on ne serait jamais capable de les approcher autant que certains chasseurs le peuvent.
Pour terminer…
En conclusion, nous venons de faire le tour d’un sujet qui soulève énormément de discussion chez les nemrods. Vous serez en mesure de mieux comprendre dans quelles situations un orignal peut se sentir plus vulnérable ou plus en confiance. J’en profite pour souligner que j’ai évolué principalement dans des conditions similaires à l’ensemble des chasseurs du Québec, c’est-à-dire, en territoire libre en densité moyenne avec de la pression de chasse.
Cet article est basé à partir de mes expériences, de mon analyse de mes nombreuses approches avec ce grand cervidé, ce qui signifie que je ne détiens pas nécessairement plus la vérité que d’autres chasseurs expérimentés du domaine. D’ailleurs, je vous invite à revisiter le déroulement de vos chasses précédentes et à tenter d’expérimenter cet automne de nouvelles approches avec les orignaux. Je demeure toujours disponible à la discussion et j’en profite pour vous remercier de votre ouverture d’esprit. Bien humblement et sans prétention, P-A.
Bonne chasse à vous!