GROS GIBIER
Saigner ou Pomper?
La nécessité d’effectuer la saignée sur une bête récoltée est-elle vraiment nécessaire? Plusieurs chasseurs procèdent à la saignée sans se poser de questions sur la pertinence de cette opération. Mais qu’en est-il réellement?
Pour les animaux destinés à la vente commerciale en entreprises incluant les épiceries, les cafétarias et les restaurants, la saignée est obligatoire. Il existe différentes techniques de la saignée, mais au Canada, la majorité des animaux sont abattus par une simple saignée. La saignée est effectuée afin de retirer le maximum de sang pour éviter la formation de caillots dans la viande et prévenir un goût ferreux.

MAXIME DUBÉ

Texte et photos
Réjean Lemay
Dans un abattoir, l’animal est d’abord insensibilisé soit par commotion chez les bovins ou par électrochoc pour les porcs et les volailles. Le but de l’insensibilisation est de rendre l’animal inconscient. Le fonctionnement de la respiration et la circulation sanguine sont maintenue car le cœur continue de battre. Une incision au coin du maxillaire est effectuée pour sectionner les artères incluant la jugulaire et la carotide. Lorsque le flux sanguin n’est plus assez important, le cœur cesse de battre et l’animal meurt. Après la saignée, nous retrouvons tout de même une certaine quantité de sang dans les vaisseaux sanguins et les tissus musculaires. Il ne faut pas oublier que le sang représente environ 8% du poids d’un animal vivant.
Lorsqu’un animal est mort avant que soit effectué la saignée, le cœur ayant cessé de battre, vous ne faites que vider les vaisseaux sanguins du cœur à la tête. Le cœur a cessé de battre, il ne peut plus expulser (pomper) de sang. Ce principe est similaire à celui de la pompe à essence d’une auto: lorsque celle-ci tombe en panne, elle cesse d’envoyer de l’essence au moteur et il arrête de fonctionner.
Maintenant regardons ce qui se passe lors de la chasse. Lorsque vous tirez un animal dans la tête, le cou ou le début de la colonne vertébrale, il s’écroule sur place. Pourquoi effectuer une saignée puisque l’animal est mort et que la pompe ne marche plus? Une bête tirée au cœur tombe à très courte distance, meurt et le tir au cœur provoque un écoulement important de sang à l’intérieur de la cage thoracique. Un animal touché aux poumons qui s’écroule après une course plus ou moins longue en expulsant du sang à l’extérieur, une hémorragie externe, en plus d’une hémorragie interne. Lors de l’éviscération, vous retrouverez dans la cage thoracique une grande quantité de sang.
Lorsque vous retrouvez la bête encore vivante, vous devez la tuer le plus rapidement possible afin d’abréger ses souffrances. Encore une fois, la saignée n’est pas nécessaire et il peut être très dangereux pour vous d’effectuer la saignée.
Lors de l’éviscération, vous devez sectionner les artères et les veines qui irriguent les organes et les différentes parties de la carcasse animale. Vous pratiquez ainsi, sans le savoir, une saignée interne. Après avoir extrait tout le contenu interne d’une carcasse, vous constaterez un ruissellement de sang, même après avoir épongé l’intérieur de la bête. Ce sang s’écoule des plus petits vaisseaux sanguins qui irriguent tout le système musculaire de la bête.
Pour extraire le plus de sang possible, vous pouvez procéder au pompage des quatre pattes de l’animal pour éviter que le sang reste dans les tissus musculaires. Le pompage consiste à étirer complètement chaque membre de la bête. Il faut prendre une patte, l’étirer vers le haut, faire une pause de 5 à 8 secondes et de replier au maximum le membre allongé. Le tissu musculaire est étiré de même que tout le réseau sanguin. Lors de la compression, le sang va être évacué vers le bas dans les cavités thoracique et abdominale. Il faut répéter l’opération une dizaine de fois pour chacune des pattes.
Pour les sceptiques; essayez-le ; après avoir éviscéré votre bête, essuyez bien l’intérieur, procédez aux pompages des quatre pattes selon la procédure décrite plus haut. La pause est très importante pour laisser le temps aux petits vaisseaux sanguin de se vider. La plupart des chasseurs sont surpris de la quantité de sang qui s’écoule des membres après l’éviscération.
Grâce au pompage, il y aura moins d’écoulement de sang lors de la manutention et du transport de la bête. Mais plus important, il n’y aura plus de présence de sang dans vos coupes de viandes.
Une année en particulier, lors d’une chasse à l’orignal, un nouveau chasseur dans notre équipe se montrait un peu sceptique face au pompage. Il s’était porté volontaire pour filmer les étapes de l’éviscération. Lors du pompage, il a été tellement surpris par la quantité de sang qui s’écoulait dans l’abdomen qu’il a oublié de filmer la scène.
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Pour un orignal, avec une équipe de deux chasseurs ou plus, il est plus facile de procéder au pompage. Étirez les pattes en extension complète.
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Après une pause de 5 à 8 secondes, repliez complètement les pattes sur la bête.
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Pour un chevreuil, le pompage est très facile à exécuter. Étirez complètement les pattes avant et arrière.
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Après une pause de 5 à 8 secondes, repliez les pattes sur le corps de la bête.