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Édition août 2024

ÉDITORIAL

Par
Louis Turbide

Le déclin du caribou forestier :

un cafouillage de plusieurs décennies

Depuis ce printemps le dossier de la protection du caribou forestier est l’objet de discussions corsées entre les paliers de gouvernement du Québec et du Canada.  Puisque le caribou forestier est considéré comme une espèce menacée, le gouvernement fédéral a son mot à dire dans les mesures pouvant être mises en place par le gouvernement provincial pour assurer à long terme la survie de ces populations. Au moment d’écrire cet éditorial, le gouvernement fédéral a émis un décret d’urgence visant à protéger l’habitat du caribou boréal au Québec. Bien que les provinces et les territoires aient la responsabilité première de la gestion des terres et de la faune sur leur territoire, la Loi sur les espèces en péril prévoit des dispositions pour protéger les espèces en péril et leur habitat. C’est notamment le cas de l’article 80 qui précise que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique est dans l’obligation de recommander au gouverneur en conseil la prise d’un décret d’urgence s’il est d’opinion qu’une espèce est exposée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablissement.

Malheureusement depuis des années, ce dossier traîne en longueur et de l’aveu même du ministre provincial de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs Benoit Charrette le caribou forestier ne fait pas le poids face aux enjeux économiques reliés aux milliers d’emplois du domaine forestier. Étonné? Pas du tout, même le premier ministre du Québec de l’époque Philippe Couillard avait affirmé en 2014 qu’il ne sacrifierait pas une seule job en forêt pour le caribou. Si on parcourt toute la littérature concernant le caribou forestier depuis plus de 20 ans, on ne peut que constater qu’il n’y a jamais eu de volonté sérieuse de faire quoi que ce soit pour sauver cet emblème de la forêt québécoise de la part de tous les partis politiques portés au pouvoir au Québec. Quand tu es rendu à parquer des caribous dans des enclos c’est que tu as fait la démonstration que ton laxisme sur plusieurs décennies a porté fruit. C’est malheureux mais  la création ou la préservation des emplois ça se convertit en votes, pas les caribous mais est-ce une façon responsable de gérer en 2024? Poser la question c’est y répondre.

Les dés étaient donc pipés depuis très longtemps et je ne suis aucunement surpris qu’après toutes ces années, le gouvernement fédéral passe de la parole aux actes. En fait, le ministre fédéral Steven Guilbault ne fait que respecter les engagements qu’il a acceptés lorsqu’il a été promu à la tête du Ministère de l’Environnement et des Changements climatiques (ECCC). Est-ce qu’on peut en dire autant de notre ministre provincial de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs Benoit Charrette? Malheureusement non et cela m’inquiète pour la pérennité de toutes les espèces présentes au Québec. L’industrie forestière est extrêmement importante pour notre économie, tout le monde en convient mais en balayant sous le tapis pendant des décennies des problématiques comme celles du caribou forestier le gouvernement provincial a rempiré la situation et risque maintenant de nuire à cette industrie. Si le dossier du caribou forestier avait été pris au sérieux il y 25 ans, des pistes de solutions viables tant pour l’espèce que pour l’industrie forestière auraient pu être mise en place alors qu’il n’était pas minuit moins une. Au lieu de cela, le gouvernement provincial a joué à l’autruche le plus longtemps possible et aujourd’hui le problème a pris une ampleur telle que seules des mesures draconiennes doivent être envisagées pour assurer la préservation de cette espèce entrainant des répercussions potentiellement très néfastes pour l’industrie forestière. Il y a un dicton qui dit: Tout ce qui traîne finit par se salir. Ça ne peut que s’appliquer parfaitement à ce laxisme volontaire.

Dans le cadre de son décret pour la protection du caribou forestier, le gouvernement fédéral compte soustraire 1,6 million d’hectares à l’industrie forestière. Plus précisément, l’interdiction touche 300 000 hectares de forêt pour protéger l’habitat des hardes de Charlevoix et de Val-d’Or, ainsi qu’un million d’hectares pour la harde du Pipmuacan. Cette mesure vise à atteindre un taux de perturbation maximal de 35 % dans l’aire de répartition de chaque population locale ce à quoi le gouvernement provincial s’était engagé en 2022 sans jamais préciser les actions qu’il envisageait prendre.

Le décret n’est pas encore en vigueur, car un processus de consultation se poursuivra jusqu’au 15 septembre 2024. Les experts d’ECCC soutiennent qu’ils sont à l’écoute des acteurs du milieu pour peaufiner le décret afin de minimiser les impacts négatifs. « On ne dit pas qu’il n’y aura pas d’impact, mais notre approche vise à établir un équilibre entre la protection et les impacts socioéconomiques », soutenait Marie-Josée Couture dans un article paru dans le Devoir du 4 juillet dernier.

Nous suivrons bien entendu ce dossier, en espérant un dénouement positif tant pour le caribou que l’industrie forestière.

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