CHASSE DU MIGRATEUR
À petit budget

Les temps sont durs pour le porte-monnaie des chasseurs: prix des cartouches qui monte en flèche, appelants inabordables et vêtements de base qui se détaillent à grand prix. Tous des freins à la poursuite du gibier d’eau à peu de frais. À cela il faut ajouter qu’un fusil semi-automatique fiable va souvent chercher dans les trois milles dollars et que le prix moyen d’un bon chien – sans compter le dressage- vaut bien une autre arme en finition Grand luxe. Ajoutez la pression de permission que mettent certains services de guides sans scrupules sur les propriétaires agricoles au moyen de l’argent de leurs clients, le tableau est sombre pour qui veut se lancer dans la chasse du migrateur sans y investir des sommes conséquentes! Nous vous proposons donc ici quelques trucs susceptibles de vous redonner espoir!
L’EMPLACEMENT
Sur le X
Un bon champ vaut plusieurs appelants et c’est encore souvent gratuit. Un excellent site vaut même une remorque pleine d’appelants. C’est ce qu’on appelle être sur le X ou sur le site nourricier si vous préférez. En résumé, ce que les sauvaginiers appellent le X, c’est le site nourricier où les palmipèdes viennent s’alimenter le matin et d’où ils repartent pour la dernière fois de la journée. Si personne n’est passé avant vous pour payer le cultivateur, vous avez toutes vos chances!
Je chasse régulièrement avec une douzaine d’imitations de canards au maximum lorsque j’ai la chance d’avoir un champ que les palmipèdes fréquentent assidûment. C’est la même chose pour la bernache d’ailleurs, au grand dam de mes invités qui doutent de ma compétence à chaque fois qu’ils s’aperçoivent que je n’ai apporté que deux sacs de six appelants pour ce fameux champ plein de gibier! Les doutes se dissipent souvent très rapidement avec l’amoncellement des oiseaux au fond de la cache.

FRANÇOIS LÉVESQUE
Lorsque vous bénéficiez d’une position avantageuse et que vous chassez sur le x, le nombre d’appelants est moins important et souvent l’auteur réussit ses chasses avec seulement de 12 à 20 imitations.
Si donc vous repérez un champ avec des oiseaux en quantité intéressante, assurez-vous, après avoir obtenu la permission de le chasser, que les palmipèdes fréquentent ce champ avec assiduité.
Les oiseaux ne changent pas facilement de champ mais lorsqu’ils le font, c’est de manière subite et sans avertissement. Les causes de ce changement sont tout aussi mystérieuses que nombreuses: coyotes, épandage d’engrais, oiseaux de proies, promeneurs avec chiens, bref, soyez attentif.
J’ai eu un pygargue dans un de mes champs qui m’a donné beaucoup de mal! Le rapace se positionnait au-dessus d’un vieux pin frappé par la foudre au bord d’un de mes champs à outardes et je ne pouvais l’apercevoir de la position où je venais surveiller l’endroit matin et soir.
Mes oiseaux étaient devenus complètement irréguliers. J’ai nagé en plein mystère jusqu’à ce que j’aperçoive le coupable qui prenait son envol avec une cane malard dans les serres.
La donne change complètement si vous n’avez pas la chance d’avoir un champ fréquenté assidument par les canards. En langage populaire, vous êtes sur un flyway. À ce moment, le nombre d’appelants et la qualité des appels prennent toute leur importance.
Sur les corridors de vol (Flyway)
C’est le drame, vous n’avez pas pu trouver un bon champ pour votre chasse du lendemain et vous pensez être à bout de ressources. Ne vous découragez pas, votre chasse sera simplement différente. Recherchez alors non pas le fameux X mais une permission sur un endroit assidûment survolé par les oiseaux. Vous devrez donc chasser les corridors de vol ou encore Flyway.
Quand je dois chasser un secteur qui n’attire pas en lui-même les oiseaux, soit qu’il ne s’y trouve pas de nourriture ou encore que différents travaux au champ les aient fait fuir, je sors tous les appelants que je possède, histoire que mon installation soit la plus facilement repérable possible. Il se peut que la distance entre le dortoir et l’endroit ou je chasserai soit importante. En conséquence, j’ai besoin que mon installation soit très facilement visible. Cependant, si vous n’avez pas le budget pour un ensemble d’appelants imposant, vous devrez vous concentrer sur la qualité de vos appels et quelques autres aspects.

Faute d’avoir beaucoup d’appelants, le fameux drapeau devient une pièce d’équipement essentielle pour capter l’attention des oiseaux qui passent à bonne distance.
Il faut savoir qu’il existe des appels longue distance tant pour le canard que pour la bernache (voir à ce sujet les nombreuses chroniques de mon bon ami Michel La Haye dans le Magazine ou sur Youtube).
Vous devez donc vous faire une obligation de maîtriser ces appels car en contexte de chasse sur les corridors de vol sans grosse installation, ce sont ces appels qui seront chargés d’attirer l’attention des oiseaux. Un chasseur qui maîtrise parfaitement ces appels, en plus de ceux qui doivent normalement suivre, peut normalement faire une belle chasse avec une vingtaine d’appelants seulement et ce, même sur le Flyway.
Vous devrez cependant compenser pour le manque de volume avec un drapeau. Outil peu dispendieux mais essentiel sur les corridors de vol. Surtout utilisé pour la chasse des oies (bernaches, grande oie des neiges), cet instrument peu s’imposer comme véritable game changer lors des chasses à la passée comme les européens l’appellent.
Le rangement et l’utilisation du drapeau en situation de chasse est très simple. Lorsque vous apercevez vos premiers oiseaux au loin, vous prenez aussitôt votre drapeau et l’agitez en l’air afin d’imiter un oiseau qui atterrit dans votre installation. Amenez d’abord le drapeau complètement à la verticale puis descendez le par à-coups en pointant dans la direction de la bande d’oiseaux, imitant une outarde qui atterrit en battant des ailes afin d’amortir sa descente. Cet exercice amène autant de visibilité que 15 ou 20 appelants au sol, une économie appréciable. Lorsque vous pratiquez la manœuvre décrite précédemment avec le drapeau, envoyez des appels longue distance vers les bernaches le cas échéant.
Une fois que vous percevez un changement favorable dans la direction des oiseaux, c’est-à-dire lorsqu’ils volent vers vous, posez le drapeau lentement au sol devant ou derrière la cache en imitant encore une fois un atterrissage d’oiseau et lancez non plus des appels longue distance mais des appels de bienvenue. Le drapeau ne doit pas être déposé perpendiculairement à la cache mais bien en parallèle. Lorsque c’est possible, effectuez ces appels à deux chasseurs: un manieur de drapeau et un manieur d’appeau. Cela vous facilitera la tâche. Ainsi, la visibilité dont vous êtes privé en raison d’un nombre restreint d’appelants sera compensée par l’usage raisonné du drapeau. Il faut aussi savoir que les drapeaux mis en vente dans le commerce sont souvent munis d’une poignée très courte. Trop courte en fait, sauf pour utilisation dans une cache au niveau du sol. Vous pouvez la rallonger en utilisant un manche pour rouleau à peinture en bois ou encore, si vous avez des goûts plus luxueux, avec le manche télescopique lui aussi destiné à la peinture au rouleau. Vous pouvez ensuite assujettir les deux items avec du ruban adhésif de bonne résistance si les pièces ne comportent pas de filets. Recouvrez le tout d’une peinture mat et vous aurez un drapeau de haute qualité à peu de frais.

Un appelant de canard mécanique est un outil redoutable pour la chasse aux becs plats principalement en début de saison. Pour réduire le coût d’acquisition, on peut partager les frais entre plusieurs chasseurs
La mise en commun des ressources
En début de saison, on voit apparaître des appelants mécanisés un peu partout dans les champs et au fleuve et pour cause: ils sont d’une efficacité redoutable. Le problème avec ces appelants mécanisés aux ailes tournoyantes, c’est bien sûr leur prix. Au moment d’écrire ces lignes, il faut débourser environ 250,00$ avec taxes pour un de ces appareils avec télécommande. Vous pouvez donc en acheter un seul ou encore former un groupe de chasse et acheter ensemble un ou plusieurs de ces appelants.
À partir de l’ouverture et pour environ les deux semaines suivantes, ces appelants sont très efficaces. Vous trouverez d’ailleurs en complément vidéo de cet article une séquence montrant une chasse réalisée l’an dernier avec seulement une trentaine d’appelants de canards et 4 appelants mécanisés.
Chasse réalisée avec seulement une trentaine d’appelants de canards et 4 appelants mécanisés.
Si donc vous invitez un ami qui possède un de ces appelants ou si vous mettez vos ressources en commun pour en acheter, vous augmenterez drastiquement vos chances de succès. C’est particulièrement important pour la chasse de la grande oie des neiges, qui nécessite une installation toujours plus imposante sur les corridors de vol. Le même raisonnement vaut bien sûr pour les appelants de base : quatre chasseurs possédant chacun une douzaine d’appelants (environ 300,00$ la douzaine) disposent ensemble d’une installation de presqu’une cinquantaine de têtes! La mise en commun des ressources va donc vous aider à contourner une grosse part des dépenses tout en vous permettant peut-être de vous faire de nouveaux amis.

Le fusil représentera une part importante de votre budget et son choix judicieux revêt une grande importance.
L’arme
L’arme avec laquelle vous allez chasser grugera une part importante de votre budget. C’est pourquoi son choix revêt une importance capitale. Dans ma jeunesse, les chasseurs allaient acheter un fusil en ne lésinant pas trop sur le prix car sa qualité de construction laissait entendre qu’elle durerait non seulement toute une vie mais que leurs descendants aussi en profiteraient! Et c’était souvent le cas. Que l’on pense seulement au fameux fusil semi-automatique Auto Five de Browning, fusil avec lequel au moins deux de mes amis chassent toujours, des armes vieilles de plus de quarante ans! J’en possède moi-même un exemplaire tout ce qu’il y a de plus fiable malgré ses cinquante ans!
On peut aussi penser au Remington modèle 31 dont la production a cessé dans les années 50 ou encore le Ithaca modèle 37, deux fusils à mécanisme à coulisse (des pompeux). Beaucoup de chasseurs et chasseuses né(e)s après les années 2000 ont essayé le vieux Coey à un coup (mécanisme à bascule) du grand père, ce qui illustre bien la solidité de ces fusils. Malheureusement, ces armes de légende ne sont plus produites et les armes modernes n’ont de fiable que la régularité avec laquelle vous aurez des problèmes de toutes sortes, de l’enrayage aux difficultés d’alimentation et d’éjection en passant par les étranglements pris dans le canon.
La décision de faire l’acquisition d’une arme usagée dans un contexte économique plus difficile prend donc ici tout son sens : modèles dont la fiabilité est éprouvée encore disponibles (Auto 5, Remington 1100, fusil de type superposé), possibilité de restauration et revente au prix payé et surtout, prix moindre que le neuf bref, un pensez-y bien! Assurez-vous que l’arme soit en bon état de fonctionnement et sécuritaire et, si vous avez le moindre doute, faites vérifier le tout par un armurier compétent.

FRANÇOIS LÉVESQUE
Comme le démontre l’auteur, il est tout à fait possible de tirer son épingle du jeu à la chasse à la sauvagine sans nécessairement défoncer son budget!
Conclusion
Il existe, nous l’avons vu, de nombreuses manières de contourner les prix devenus exorbitants des items essentiels pour la chasse de la sauvagine. Avec un peu d’efforts et d’imagination, le sauvaginier qui dispose d’un budget restreint tirera malgré tout son épingle du jeu et j’espère que les conseils énumérés ici vous aideront à y arriver!
Bonne saison!